Thursday, July 26, 2007

A Madeleine de Bernardo Soares

O olfacto é uma vista estranha. Evoca paisagens sentimentais por um desenhar súbito do subconsciente. Tenho sentido isto muitas vezes. Passo numa rua. Não vejo nada, ou antes, olhando tudo, vejo como toda a gente vê. Sei que vou por uma rua e não sei que ela existe com lados feitos de casas diferentes e construídas por gente humana. Passo numa rua. De uma padaria sai um cheiro a pão que nauseia por doce no cheiro dele: e a minha infância ergue-se de determinado bairro distante, e outra padaria me surge daquele reino das fadas que é tudo que se nos morreu. Passo numa rua. Cheira de repente às frutas do tabuleiro inclinado da loja estreita; e a minha breve vida de campo, não sei já quando nem onde, tem árvores ao fim e sossego no meu coração, indiscutivelmente menino. Passo numa rua. Transtorna-me, sem que eu espere, um cheiro aos caixotes do caixoteiro: ó meu Cesário, apareces-me e eu sou enfim feliz porque regressei, pela recordação, à única verdade, que é a literatura.

BS



Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.

Marcel Proust, À la Recherche du Temps Perdu - Du Côté de Chez Swan

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